20 Δεκεμβρίου 2014

Epilogue

« Madame de Beauvoir, 
J'aimerai savoir comment Jean-Paul Sartre était avec vous? Quel genre d'amoureux était-il?
Bien à vous,
Pénélope"

Chère Pénélope,
J'ai mis du temps à réfléchir pour vous répondre. C'est qu'une existence commune de près de cinquante ans vous en fait voir de toutes les couleurs.

Par ailleurs, je ne veux pas vous cacher qu'au niveau de ma vie amoureuse, Sartre n'était pas le seul – comme je n'étais pas la seule femme qui partageait intimement sa vie. Sartre a dit de notre amour qu'il est un amour nécessaire, par rapport aux amours contingentes que nous vivions chacun de notre côté. En d'autres mots, nous nous aimons d'un amour si pur et si absolu que rien ne pourrait l'anéantir. Toutefois, cela n'empêcha pas, pour l'un comme pour l'autre, de ressentir envers et avec d'autres les émotions liées à l'amour: passion, désir, fièvre, etc.

Sartre et moi-même formons un couple de mots et d'échanges d'idées. Notre complicité tient à notre sens de la discussion perpétuelle. Entre vous et moi, je ne peux pas dire que je connus la passion amoureuse la plus ardente avec Sartre. Il y eut certes d'excellents moments, dans les premières années, de fougue amoureuse - physique et sensuelle -. Mais rapidement notre relation s'est transformée en un amour que je qualifierais un peu brutalement de «cérébral». Je vous affirme sans ambages que si j'avais à choisir entre cet amour avec Sartre et l'intense passion, limitée et souvent ravageuse, envers d'autres hommes, je choisis celui avec Sartre sans aucune hésitation. 
C'est d'ailleurs ce qui m'a toujours ramenée vers lui, même après des absences prolongées. La même chose vaut pour lui. Nous avons diversifié nos expériences amoureuses, mais toujours nous nous sentions propulsés l'un vers l'autre, comme si nous étions assis chacun sur une extrémité d'un élastique qu'on étire pour voir jusqu'où il peut s'étirer et qu'on relâche d'un coup. Plus nous prenions nos distances (pour deux semaines, pour un mois, lors de voyages, etc.), plus nous revenions l'un vers l'autre en sachant que nos deux existences ne devaient jamais se séparer. Nous prenions le large, tout en restant sur la rive de notre amour. Paradoxal, non? Je parle au passé, parce que maintenant nous nous faisons vieux… et que nous sommes plus sages, vieillesse et maladie obligent!
Aujourd'hui, nous vivons un amour tranquille, riche de nos décennies de franche complicité. Sartre est malade et ne supporte que difficilement de voir son existence péricliter dans la douleur et la dégénérescence. Je l'accompagne dans sa souffrance et son combat pour faire naître les dernières idées de sa vie, non sans avoir moi-même la gorge serrée. Je l'imagine mourir et je sens une douleur incurable m'étouffer jusqu'à en mourir. Je l'aime tellement que je ne sais pas comment je ferai pour lui survivre, s'il est le premier à lever les pattes.

Je m'aperçois que j'ai parlé plus de moi que de Sartre. J'ai aussi parlé plus de nos sentiments profonds que des détails quotidiens ou de son attitude superficielle. Je vous invite donc à me poser des questions plus précises, si le coeur vous en dit.
En vous souhaitant un amour aussi intense que le nôtre,
Simone de Beauvoir



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